RUSSIE (campagne de). Nombreux sont les historiens qui débattent encore aujourd’hui sur deux points concernant la campagne de Russie : pourquoi Napoléon Ier s’est-il engagé dans cette aventure et pourquoi, une fois la décision prise, a-t-il attendu le 24 juin 1812 pour franchir le Niémen ? Sur le premier point, on fait généralement état des mauvaises relations franco-russes à partir de 1810. La création du grand-duché de Varsovie avait, certes, fortement mécontenté le tsar Alexandre Ier Pavlovitch. Pour Napoléon, la goutte d’eau qui fit déborder le vase fut certainement la sortie de la Russie du blocus continental. Était-ce suffisant pour aller se mesurer avec une puissance dont, par ailleurs, on ignorait peut-être les ressources du nationalisme populaire, comme on avait auparavant ignoré celles de l’Espagne ? Quant au deuxième point, on met évidemment en exergue l’habitude qu’avait l’Empereur de mener la guerre éclair ; il y eut sans doute là aussi négligence de tenir compte de la capacité russe à pratiquer la guérilla. Toujours est-il que la guerre éclair des Français fut considérablement freinée par la guerre patriotique des Russes. Quand Napoléon mit fin à l’aventure, il était déjà trop tard et la retraite que la rigueur de l’hiver russe l’obligea à ordonner constitua l’une des plus grandes catastrophes militaires de l’histoire.
Le 24 juin 1812, la Grande armée pénétra en Russie sans rencontrer de résistance. Les Russes ne réagirent véritablement qu’en août, livrant, et perdant, les trois grandes batailles suivantes :
- Smolensk, sur le Dniepr (17-18 août) : victoire de Napoléon sur les princes Bagration et Barclay de Tolly ;
- Polotsk, en Biélorussie (18 août) : victoire du général Gouvion-Saint-Cyr sur le prince de Sayn-Wittgenstein ;
- Borodino, entre Smolensk et Moscou, sur la Moskova (7 septembre) : victoire de Davout, Murat, Ney et Poniatowski sur Koutouzov.
Cette dernière victoire permit aux Français d’entrer à Moscou une semaine plus tard. L’Empereur s’installa au Kremlin d’où il put assister à l’incendie de la ville par les Russes eux-mêmes. Il y attendit plus d’un mois que le tsar lui fît des offres de paix. L’hiver approchant à grands pas, il se décida à opérer la retraite. Celle-ci se fit en combattant :
- Tarutino (18 octobre) : victoire du général allemand Bennigsen, au service de la Russie, sur Murat ;
- Polotsk (18 et 19 octobre) : bataille indécise entre Gouvion-Saint-Cyr et Wittgenstein ;
- Maly-Iaroslavetz, près de Moscou (24 octobre) : victoire du prince Eugène de Beauharnais sur Koutouzov ;
- Viazma, entre Moscou et Smolensk (3 novembre) : victoire d’Eugène de Beauharnais, de Davout et de Ney.
Harcelée par les partisans et les Cosaques, la Grande armée, souffrant de la faim et du froid, traversa enfin la Bérézina, entre le 27 et le 29 novembre, pour éviter l’encerclement. Commandée par Murat après le départ de Napoléon qui voulait faire face à la conspiration de Malet, elle atteignit le Niémen le 30 décembre 1812 et fut rejetée en Allemagne. La campagne de Russie avait entraîné la mort de près d’un demi-million d’hommes.
Iconographie : L'Incendie de Moscou le 15 septembre 1812, tableau de Schmidt (bibliothèque Marmottan, Boulogne-Billancourt).