ERAUSO (Doña Catalina de). Aventurière espagnole surnommée « la Monja Alferez » (« la Nonne Lieutenant ») (Saint-Sébastien, Espagne 1592 – vers 1635). Destinée à devenir nonne, elle s’enfuit très jeune du couvent et, habillée en homme, mena dès lors une existence mouvementée et aventureuse, remplie de querelles, de duels et de meurtres. Elle s’engagea comme soldat en Amérique espagnole et servit notamment au Chili dans la guerre contre les Indiens Araucans (Mapuches). Elle devint lieutenant, d’où son surnom. C’était une duelliste redoutable, responsable de la mort de nombre d’hommes. Elle a laissé une autobiographie traduite par José-Maria de Heredia.
On peut lire dans Le magasin pittoresque (publié sous la direction d'Édouard Charton, 22e année, Paris, 1854) des extraits de cette autobiographie. C'est ainsi que, s'étant querellée avec son frère, le capitaine Miguel de Erauso, elle fut envoyée, par mesure disciplinaire, au port de Païcabi où elle mena une dure existence : "Nous étions toujours sur le qui-vive. Il fallait sans cesse repousser les agressions des Indiens. Toutes les compagnies du Chili vinrent s'unir à nous pour en finir avec ces ennemis. Nous fûmes réunis, dans la plaine de Valdivia, au nombre de 5.000 hommes. Les Indiens s'emparèrent de Valdivia et la mirent au pillage. Plusieurs combats se succédèrent, et les Indiens y eurent le dessous ; mais, ayant reçu du renfort, ils revinrent à la charge, nous culbutèrent, tuèrent beaucoup de soldats et d'officiers, entre autres mon alferez (lieutenant), et ils s'emparèrent du drapeau. Voyant notre officier emporté, je me lançai avec deux autres soldats à cheval, à travers la mêlée, donnant et recevant des coups, renversant tout sur notre passage. Un de nous tomba mort ; mais, sans nous laisser arrêter, nous nous ouvrîmes un chemin vers le drapeau. Là, mon camarade fut jeté à terre d'un coup de lance. Je fus blessé à la jambe ; mais je tuai le chef indien qui tenait le drapeau, que je repris ; puis, excitant de nouveau mon cheval, et me précipitant à travers les combattants, en frappant de tous côtés, blessant et tuant, atteint moi-même d'un coup de lance dans l'épaule gauche et de trois flèches, j'arrivai enfin jusqu'à nos rangs. En arrivant, je tombai sans connaissance ; on accourut pour me secourir, et, en ouvrant les yeux, je vis mon frère, ce qui fut pour moi une grande consolation. Bientôt je fus guéri. Nous restâmes campés neuf mois en ce même endroit. Mon frère obtint du gouverneur l'enseigne que j'avais gagnée, et je fus nommé alferez de la compagnie l'Alonzo Moreno".
Le magasin pittoresque poursuit : "On se lasserait à compter les coups d'épée ou de couteau que donne ou reçoit Catalina de Erauso, à l'improviste, en guet-apens ou en duel. En résumé, cette religieuse fugitive fait un fort mauvais homme. Son grade d'enseigne ne change rien à ses habitudes de querelles et de vengeances sauvages. Dans une maison de jeu de la Conception, un de ses amis, alferez comme elle, l'insulte : elle lui passe aussitôt son épée à travers le corps. Un auditeur général la saisit au collet : il a le même sort. Pendant six mois, on la tient assiégée dans un couvent. En ce temps même, on vient la prier de prendre parti dans un duel. Quoiqu'elle craigne une embûche, la tentation est trop forte pour qu'elle y résiste. Elle se rend de nuit sur le terrain, croise le fer avec le second adversaire de son ami et l'étend à ses pieds. Elle lui demande comment il s'appelle. D'une voix mourante, il répond : Le capitaine Miguel Erauso. C'était son frère. "Je restai stupéfaite", dit-elle. Cette fois, elle resta huit mois dans le couvent où elle avait cherché asile et où elle fut témoin de l'ensevelissement de Miguel Erauso. Quand il lui fut possible de sortir, elle se dirigea vers Valdivia et le Tucuman. Ce voyage fut pénible".